Et s’il existait un vrai portrait de Champlain?

Our correspondent in Honfleur, Philippe Grenier, is fascinated by the life and voyages of Samuel de Champlain, our favorite French explorer as well. In this essay, he shares his thoughts about images of Champlain and presents a hypothesis about a possibly overlooked self-portrait  ….

On le sait, tous les portraits connus de Samuel de Champlain ne peuvent être que des faux, puisqu’on ne lui en connaît aucun réalisé de son vivant.

La version la plus répandue est une contrefaçon élaborée entre 1852 et 1854 à partir du vrai portrait de Michel Particelli d’Emery, surintendant des finances de Louis XIV. Il a été gravé en 1654 (Champlain étant décédé en 1632) à Paris, par un certain Balthasar Moncornet. Ce graveur, d’origine Wallonne, est l’auteur de nombreux portraits de personnalités de son temps, tels Maria Thérèse d’Autriche avant son mariage avec Louis XIII, ou Alphonse Louis Duplessis de Richelieu, frère aîné du Cardinal de Richelieu.

Cette supercherie picturale connut une belle réussite, elle perdure d’ailleurs encore aujourd’hui.

On le sait bien : un mensonge, réitéré avec insistance, devient vite une vérité!

A défaut d’un portrait véritable, il existe au moins une représentation de Champlain . . . et elle est de sa main. Il s’agit d’une gravure tirée d’un de ses nombreux dessins illustrant les récits de ses voyages en Nouvelle France.

Particelli not Champlain
C’est Particelli, pas Champlain

Champlain avait besoin de l’appui du roi et de son entourage pour financer les expéditions successives qu’il avait entreprises, dans le but d’installer, préventivement par rapport aux anglais, des colons français sur le Saint-Laurent. Il a donc soigné sa communication en faisant publier régulièrement et surtout rapidement, les récits de ses explorations. Pour les rendre plus attrayants il les a abondements illustrés de cartes et de dessins; le plus connu est la représentation de l’abitation de Port Royal. (Non, il n’y a pas de faute d’orthographe, j’ai simplement repris celle de l’époque de Champlain!)

 Dans le dessin qui nous intéresse—et reproduit ci-contre—il ne s’oublie pas lui-même et se représente en position flatteuse dans une scène de bataille opposant les Ouendats (que nous nommons aujourd’hui Hurons) et les Iroquois. La scène se passe à l’occasion de son troisième voyage—après le catastrophique hivernage de 1608—lors de la reprise de son exploration, cette fois en territoire Iroquois. Il remonte en 1609 un affluent du Saint-Laurent (la rivière Richelieu) et reconnaît le lac qui porte aujourd’hui son nom poussant même jusqu’au lac George. Sur ce dessin donc, il est au centre (en armure) détaché devant les Hurons et tenant une arquebuse pointée en direction des Iroquois. La légende veut que d’un seul coup d’arquebuse il ait tué deux des trois chefs des Iroquois.

Champlain self-portrait
L’autoportrait de Champlain

On est donc bien en présence d’un autoportrait de Champlain, seul bémol : il est en armure et les traits de son visage sont illisibles du fait de l’échelle dudit dessin repris par le graveur. La seule information—non absolument certaine—est relative à sa stature.

J’ai gardé le meilleur pour la fin!  Il existe peut-être un vrai portrait de Samuel de Champlain, encore un autoportrait. 

Je tiens cette hypothèse d’un historien québécois, Marcel Trudel (décédé en 2011) avec lequel j’ai eu le privilège d’échanger pour préparer un événement à Honfleur à l’occasion de la commémoration des 400 ans de la fondation de la ville de Québec, au départ du port de Honfleur. 

Marcel Trudel faisait remarquer que les peintres—lorsque le sujet de leur tableau le permettait—s’y représentaient discrètement. Or Samuel de Champlain était bien un peu peintre ; il avait en effet appris l’art de la cartographie, dans son jeune temps à Brouage auprès d’un géographe ordinaire du roy, un dénommé Ducarlo. A cette époque les cartes étaient dessinées à la main et souvent illustrées; c’étaient de véritables œuvres d’art. 

Observez donc la carte ci-dessous, titrée  « Carte géographique de la Nouvelle France faicte par le Sieur de Champlain Saintongeois, capitaine ordinaire du roi en la marine. » Dessinée en 1612 elle a été publiée en 1613 dans Le voyage du sieur de Champlain, Saintongeais.

Marcel Trudel attire notre attention sur un détail situé dans l’angle inférieur gauche de ladite carte : une rose des vents . . . avec un visage en son centre. 

Et si c’était celui de Champlain, son autoportrait?

Marcel Trudel n’évoque là qu’une simple hypothèse, en aucune façon une certitude, que je n’aurai également pas l’outrecuidance—pour ma part—d’exprimer le moins du monde.

A vous donc de décider!

—Philippe Grenier, Honfleur